Cette année, le Réseau café-récits soutient à nouveau des projets inspirants par le biais d’une contribution de 500 francs. Rhea Braunwalder, collaboratrice du projet, répond aux questions relatives au thème de cette année: «Des cafés-récits pour demain».

Pourquoi l’équipe de projet a-t-elle retenu le thème «Des cafés-récits pour demain»?

Il y a quelque temps, j’ai participé à un débat sur l’extension de la norme pénale antiracisme, sur laquelle le peuple s’est exprimé début février. Le sujet a donné lieu à de vives discussions. Lorsque l’animateur a voulu clore le débat, un monsieur d’un certain âge a demandé la parole avec insistance. Il a raconté comment, en tant qu’homosexuel, il avait souffert de discrimination sur son lieu de travail. Le public était visiblement touché et en même temps restait songeur. C’est ce qui m’a donné l’idée d’encourager des cafés-récits portant sur des sujets de société, parfois tabous, qui font l’actualité et qui vont influencer notre futur. Dans un débat conventionnel, ce récit autobiographique n’aurait probablement pas été entendu. Mais cette personne a eu le courage de raconter son histoire personnelle au public.

Dans quel contexte rêveriez-vous d’organiser un «café-récits pour demain»?

Dans le cadre d’une campagne de votation, car les échanges et les discussions n’y sont pas toujours menés de façon objective et professionnelle. Ce qui m’intéresse n’est pas de présenter une position comme «juste» ou «fausse», mais de faire passer l’échange entre défenseurs et opposants à un autre niveau. Ainsi, organiser un café-récits dans le contexte d’une éventuelle votation sur l’introduction du congé paternité me tenterait énormément!

Quels sont les défis particuliers liés aux questions d’avenir controversées?

Lors de sujets controversés, la personne chargée de l’animation ne prend pas de position normative, mais crée un espace de discussion. Il n’y a pas de «juste» et de «faux». Les opinions peuvent diverger. Or, il peut s’avérer difficile de traiter les différentes perspectives défendues autour de la table de façon impartiale. Les cafés-récits qui abordent un sujet d’actualité important pour l’avenir auront un impact sociétal d’autant plus fort s’ils mettent en lumière les perspectives les plus diverses sur le sujet. Ici, le défi consiste à toucher et à rassembler des personnes qui ont des perspectives et des expériences différentes sur le thème choisi.

Comment déposer une demande de soutien?

Des informations supplémentaires à l’attention des animateur·trice·s et des organisateur·trice·s sont disponibles sur notre site Internet, sous «Programme de soutien». Il est possible d’y déposer directement sa demande. Nous désirons encourager le plus grand nombre possible d’animateur·trice·s et d’organisateur·trice·s à s’annoncer.

Candidature et conditions de participation au programme de soutien

La vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille: il peut arriver de glisser entre les mailles du filet, de perdre son emploi, son appartement, son environnement social. Le nouveau café-récits qui se tient au café de rue Sunestube permet aux personnes qui vivent dans les rues de Zurich de raconter leur histoire dans un cadre discret.
À Zurich, la fondation d’œuvre sociale du pasteur Sieber accueille les personnes en détresse. Le café de rue Sunestube leur offre la chaleur d’un foyer, un bon repas, du soutien et un espace où nouer des contacts sociaux. Avec les cafés-récits, un nouveau type d’échange y est proposé régulièrement.

Un enthousiasme contagieux

«Tout a commencé par une séance d’information du Réseau Café-récits. L’une de nos collaboratrices s’y est rendue et est revenue enthousiaste. L’idée de proposer ce format à nos hôtes l’a immédiatement séduite», se souvient Christine Diethelm, responsable du café de rue Sunestube et du travail de rue. Elle a donc présenté le concept à l’ensemble de l’équipe avec un enthousiasme contagieux. «Les fondements de notre fondation reposent sur des valeurs telles que l’estime, la dignité et des relations vécues sur un pied d’égalité. Or ces valeurs se retrouvent dans l’idée de communauté portée par les cafés-récits», poursuit Christine Diethelm. La fondation recherche sans cesse de nouveaux moyens pour intégrer ses hôtes au sein de la communauté. Aussi l’idée a-t-elle convaincu d’emblée.

Une force qui donne le courage de vivre

Pour nous autres humains, le sentiment d’appartenance à une communauté est un besoin fondamental, explique la spécialiste. «Il n’est pas facile de dépendre dans une large mesure d’un soutien, le moral en prend un coup. L’échange est d’autant plus important». Christine Diethelm est convaincue que les cafés-récits constituent une belle opportunité de raconter ce que l’on a vécu dans un cadre rassurant. «L’histoire de chacun reçoit ainsi un accueil bienveillant. Et l’écoute respectueuse transmet une force qui donne le courage de vivre.»
Les personnes dont la vie se joue dans les rues de Zurich apprécient le café-récits. Elles se réunissent, discutent de ce qui fait le quotidien, racontent des événements personnels autour d’un café. «L’émotion et l’étonnement des participants sont perceptibles à l’écoute des expériences vécues par leurs compagnons d’infortune», remarque Christine Diethelm. «Nous sommes souvent étonnés par la richesse des expériences dévoilées au fil des récits et par la difficulté de certaines situations rencontrées par nos hôtes.»

Un aperçu de biographies mouvementées

La responsable de Sunestube cite un exemple: «Une femme a raconté des événements très personnels datant de son enfance et de son adolescence. Elle a grandi dans des conditions très difficiles et a eu plusieurs enfants alors qu’elle n’était qu’une adolescente. Son récit a aussi permis à l’équipe d’accueil de mieux comprendre son comportement au sein de la communauté et de pouvoir être là pour elle.»
Est-ce qu’on rit aussi au café-récits de Sunestube? Certainement, confirme la responsable de la structure, le sourire aux lèvres. «Je suis souvent étonnée par l’humour dont font preuve nos hôtes, malgré un passé traumatisant et des conditions de vie difficiles.» Le respect mutuel qui caractérise un café-récits aide à passer d’expériences difficiles à des instants plus légers qui redonnent courage ou qui sont parfois même drôles.

Tout le monde est bienvenu au café de rue Sunestube à Zurich (Photo: Fondation d’œuvre sociale du pasteur Sieber).

À propos du café de rue Sunestube

La Fondation d’œuvre sociale du pasteur Sieber a été fondée par ce dernier en 1988. Jusqu’à sa mort en 2018, Ernst Sieber a lutté contre la misère liée à la drogue à Zurich et s’est consacré aux personnes en marge de la société. La fondation est financée par des prestations de caisses d’assurance-maladie et de l’aide sociale, ainsi que par des dons, des legs et des héritages. Parallèlement au café de rue, la fondation exploite divers centres d’hébergement d’urgence, des groupes de vie, un service de conseil social, un centre de distribution de vêtements et de nourriture et propose les services d’un vétérinaire de rue. Le café de rue a enregistré 22 817 visites l’année dernière. Les hôtes peuvent y passer un moment, manger un repas simple et y trouver de la compagnie.

 

Reportage: Anina Torrado Lara
Photo: Fondation d’œuvre sociale du pasteur Sieber

Selon le proverbe, les voyages forment la jeunesse. Voyager c’est ouvrir l’esprit, dit le même proverbe en espagnol – viajar es abrir la mente. Pour Laurent Bortolotti, danseur de claquettes, les voyages ont pris les couleurs de la liberté, de l’émancipation et du dépassement de soi, et donné vie à un projet artistique. Il a eu envie de partager son expérience dans le cadre d’un café-récits.

La Casona Latina se cache derrière des palissades de bois ornées de graffitis, sous un pilier du Pont Chauderon à Lausanne. Mais la chaleur et la convivialité de ce « centre culturel des Amériques », qui propose des cours de salsa, de tango ou d’espagnol et qui organise des expositions et événements en tous genres, fait vite oublier le béton environnant. C’est Juan, en maître des lieux, qui accueille les participants de ce café-récits intitulé « Les voyages ouvrent l’esprit ».

Le choix du lieu n’est pas un hasard. En effet, ce café-récits est organisé à la demande de Laurent Bortolotti, en marge d’un projet théâtral, musical et dansé qu’il a créé, inspiré par les rencontres et découvertes qu’il a faites lors de voyages en Amérique centrale, qui l’ont conduit au Nicaragua, au Guatemala et au Mexique, au printemps 2018 et au printemps 2019. « Ces voyages m’ont beaucoup marqué », confie-t-il. « Ils ont représenté un espace de liberté, d’émancipation et de dépassement de soi. »

De retour en Suisse, il a eu envie de partager cette expérience du voyage et de ce qu’il en a retiré. Outre la création artistique qui lui permet de faire revivre les rencontres et les récits des nombreuses personnes croisées tout au long de sa route, il découvre la démarche des cafés-récits et y retrouve l’idée de la rencontre et du partage entre gens issus d’univers différents, mais dans un cadre plus formel permettant à chaque participant de se raconter en toute confiance. « Je voulais vivre un tel café-récits et m’en inspirer lors de mon prochain voyage en Amérique centrale, en mars 2020 », toujours dans l’idée de lier cette démarche à un projet artistique.

Ce fut donc chose faite ce mardi 19 novembre 2019, quelques jours avant la représentation du spectacle « Panamericana Central – Itinéraire d’un danseur de claquettes en Amérique centrale ». En introduction à la rencontre, Laurant Bortolotti évoque son expérience du voyage, ses rencontres et ses performances de danseur de claquettes dans la rue.

Deux artistes guatémaltèques rencontrés lors de son voyage et venus en Suisse pour l’accompagner dans son projet artistique participent aussi à ce café-récits. Les échanges ont donc lieu en français, en espagnol et en anglais – une rencontre polyglotte qui rappelle bien les situations souvent vécues en voyage. S’ajoute le souci de traduire au plus juste les récits, les émotions et les ressentis. L’une de ces artistes a aussi fait le parallèle entre le voyage et la création artistique qui incitent tous deux à sortir de sa zone de confort et à partir à la découverte d’autres approches et d’autres cultures. Une autre participante a expliqué que ses voyages lui avaient permis de prendre conscience combien en Suisse nous sommes conditionnés par une vision méfiante de l’autre. Elle a affirmé que son voyage lui avait permis de prendre de la distance par rapport à cela. Ces propos ont fait écho chez les participants qui se sont tout naturellement rapprochés lors du moment informel qui s’est déroulé dans l’atmosphère chaleureuse du bar et sur les notes du Buena Vista Social Club et autres musiques aux accents latino.

Anne-Marie Nicole

Journaliste, rédactrice et traductrice, Anne-Marie Nicole est recueilleuse de récits de vie, formée à l’Université de Fribourg. Depuis l’automne 2019, elle coordonne le Réseau Café-récits en Suisse romande. C’est à ce titre qu’elle a rencontré Laurent Bortolotti et qu’ils ont organisé ensemble ce café-récits. Anne-Marie Nicole se tient volontiers à la disposition de toutes celles et tous ceux qui sont intéressés par la démarche, l’organisation et l’animation des cafés-récits.

À quoi ressemblait jadis le quotidien des petits écoliers? Des parents bâlois se replongent dans leurs années passées sur les bancs d’école. Lars Wolf, de l’association ELTERNNETZ Margarethen à Bâle, nous présente le projet d’intégration novateur qui anime huit jardins d’enfants et deux écoles de la ville.

Comment se déroulent vos cafés-récits?

Lars Wolf – Les cafés-récits se tiennent toujours dans le cadre de nos forums de parents. Les mères et pères se réunissent à l’école de leurs enfants et partagent leurs propres expériences scolaires avec les autres participant·e·s. On y parle des choses qui n’ont pas changé et et de celles qui appartiennent désormais au passé: éponges naturelles, encriers et polycopieuses à alcool, mais aussi des conditions sociales dans lesquelles l’enseignement était alors possible. La diversité culturelle des parents ajoute du piquant aux histoires.

Qu’est-ce qui ressort d’un café-récits de ce type?

Des rencontres passionnantes! Des parents issus de milieux socioculturels très différents sont réunis alors que leur seul point commun au quotidien est l’école de leurs enfants. Avec le café-récits, nous favorisons des relations d’égal à égal, basées sur la confiance et le respect, et donc l’intégration. À la fin d’une rencontre, une mère finlandaise a raconté que sa scolarité s’était déroulée dans un environnement très homogène. Sa fille, en revanche, avait mille et une choses à raconter à son retour à la maison. Et le café-récits lui a permis de découvrir, elle aussi, cette fantastique diversité!

Dans quelle langue communiquez-vous?

Les récits sont contés en allemand, mais nous avons toujours des interprètes à disposition. Les cafés-récits doivent être accessibles à tous les parents, sans obstacle linguistique. Mais ils ressentent le besoin de raconter leurs histoires dans une langue qui leur est étrangère.

Faut-il se préparer avant un café-récits?

Non, pas du tout! Certaines personnes ont un niveau de formation élémentaire; il ne faut ni des connaissances ni des capacités particulières pour ce format.

Que visez-vous avec les cafés-récits?
Nous créons de la proximité entre les habitant·e·s du quartier et réunissons des personnes d’origines, de cultures, de religions, de formations et de milieux les plus divers. Des potentiels inexploités sont ainsi découverts et trouvent écho chez les autres participant·e·s. Les parents sentent que leurs compétences sont reconnues et nouent de nouvelles connaissances. En outre, la confiance que les parents accordent à l’institution scolaire est renforcée.

Comment la personne chargée de l’animation peut-elle briser la glace?

Nous avons l’habitude de disposer des photos sur le sol. Lors d’une rencontre, un participant a été tellement touché par l’image d’une école en Érythrée que, pendant son récit, il s’est précipité, a ramassé la photo et l’a montrée avec joie à l’assemblée. Dans ces moments, je sens que notre café-récits peut faire bouger les choses.

Les cafés récits s’invitent à l’école

L’association ELTERNNETZ Margarethen à Bâle organise trois à quatre fois par an,un forum pour les parents avec des ateliers, des séminaires et des conférences sur des thèmes touchant à l’éducation. Ces manifestations sont complétées par des cafés-récits. Nous nous adressons aux parents d’enfants de deux écoles primaires et de huit jardins d’enfants.
Les cafés-récits soutiennent les thématiques pédagogiques de l’école et contribuent massivement à l’intégration au sein du quartier. Deux personnes sont en outre chargées de guider la discussion. Durant la première partie, les parents sont invités à se remémorer leurs années passées sur les bancs d’école. Une partie informelle permet ensuite de discuter librement.

L’école de langue Aida offre un cadre familier à ces femmes, qui se retrouvent pour échanger des expériences et renforcer leurs relations. L’expression anglaise «let your hair down» (se lâcher, laisser libre cours à ses émotions) y est mise en pratique à la lettre. Natalie Freitag nous dévoile les coulisses de l’initiative.

Madame Freitag, quel genre de café-récits proposez-vous?

Natalie Freitag – L’Aida Saint-Gall organise un café-récits tous les vendredis après-midi. À cette occasion, la cafétéria de notre école se transforme en un lieu de rendez-vous ouvert aux responsables de cours, à leurs amies et à leurs enfants. Une fois par mois, ce cercle s’étend à des connaissances et à des femmes de langue maternelle allemande pour un café-récits intitulé «Aida raconte». La tenue du café-récits est communiquée dans le cadre de notre offre de cours, son animation est assurée par les collaboratrices de l’école de langue et son financement est pris en charge en interne, si bien qu’il est gratuit pour les participantes.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de proposer un café-récits?

Nous avons remarqué que les participantes aux cours désiraient s’entretenir en dehors du cadre structuré de leurs cours de langue. C’est ainsi que nous avons eu l’idée d’une rencontre ouverte également à nos anciennes élèves et à des femmes dont les besoins ne sont pas couverts par notre palette de cours. Pour favoriser l’intégration des participantes, nous avons également ouvert le café-récits aux femmes de langue maternelle allemande.

Comment communiquer dans cette tour de Babel?

Le café-récits se tient en bon allemand. Cela contribue aux progrès linguistiques et favorise la cohésion de la communauté. Il est conseillé d’avoir au moins de bonnes bases d’allemand. Certains cafés-récits sont réservés à des participantes avec un niveau de langue supérieur. Nous désirons ainsi faire se rencontrer des femmes ayant plus ou moins le même niveau linguistique.

En début d’article, nous faisons référence à l’expression anglaise «to let your hair down». Pouvez-vous nous en dire davantage?
Les cafés-récits «Aida raconte» sont jalonnés de moments très touchants. Lors d’une des rencontres, une femme s’est sentie tellement en confiance qu’elle a retiré son foulard et dévoilé sa magnifique chevelure. C’est l’origine de la référence ci-dessus. L’ambiance est en général très décontractée et détendue. Au terme de la partie encadrée par une animatrice, nous rions beaucoup, discutons et mangeons.

L’école de langue Aida

À Saint-Gall, l’association Aida encourage la formation et l’intégration de femmes et d’enfants de langue étrangère. Son offre variée se constitue notamment d’ateliers culturels, d’un studio d’apprentissage doté d’une bibliothèque, de cours de langues ainsi que du Café du vendredi. Natalie Freitag, responsable des cours de langues, organise et anime le Café du vendredi avec Madlon Krüsi. Les thèmes qui y sont abordés sont des sujets du quotidien, souvent tirés de la vie de famille. Le Café du vendredi est ouvert à toutes les femmes. Leurs enfants peuvent les accompagner et jouer dans la pièce de façon autonome.

Interview: Rhea Braunwalder
Photo: Unsplash

François Dubois, directeur de Pro Senectute Arc Jurassien lutte contre l’isolement social dont souffrent beaucoup de ses clientes et clients de la consultation sociale et cherche le contact direct avec les aînée et les aînés.

Qu’est-ce qui vous a incité à organiser un café-récits au sein de Pro Senectute Arc jurassien ?
Il y a presque vingt-cinq ans, comme assistant-doctorant à la Faculté de théologie, j’avais lancé les cafés philosophiques à Neuchâtel. Cette manière d’offrir des occasions de partage m’ont motivé. Plus tard j’ai entendu parler des cafés-récits par ma compagne qui travaille pour Pro Senectute Bienne/Seeland. Aujourd’hui, comme directeur de l’institution, j’ai relativement peu de contacts directs avec mes « client·e·s » et j’ai eu envie de tenter l’expérience. Cela me permet de concilier à la fois mon amour de l’échange, mon intérêt à rencontrer les aîné·e·s dans leur vécu et mon désir de diversifier mes activités professionnelles.

Pour ce faire, quelles démarches avez-vous entreprises ?
Concrètement, j’ai participé à un atelier-discussion du Réseau Café-récits pour en savoir plus sur les cafés-récits. Puis je me suis mis à la recherche d’un lieu adéquat et enfin, j’ai réfléchi à des thèmes susceptibles d’intéresser les personnes âgées. J’ai essayé de les choisir aussi en fonction de la date et de la saison : on va par exemple partager sur le thème de “mes chers disparus” le 1er novembre et parler de nos premiers émois amoureux le 14 février… !

Comment faites-vous connaître l’offre ?
Grâce à notre programme d’activités, mais aussi par le biais de mon réseau de partenaires et des médias locaux qui, en général, jouent volontiers le jeu lorsqu’il s’agit de présenter de nouvelles activités originales. Je vais aussi inviter les résident·e·s de l’immeuble et glisser des flyers dans le quartier.

 

Depuis septembre 2019, les cafés-récits ont lieu une fois par mois. Cependant, en raison de la pandémie du Covid-19, ces rencontres ont été suspendues dès le printemps 2020, laissant la priorité au service des repas et à l’aide pour faire les courses. En outre, des cours de sport et d’exercice physique ont été proposés deux fois par jour par le biais de la télévision locale. Durant cette période, la principale préoccupation de François Dubois a été de veiller au moral des personnes âgées. A l’automne 2020, les cafés-récits ont repris, dans le respect des mesures de protection. Plus d’informations ici.

François Dubois
Passionné par le débat et le partage, François Dubois a animé dans le passé des cafés philosophiques. Il est membre de l’association bénévole Lecture et Compagnie qui offre de la lecture à voix haute à des personnes âgées. Comme directeur de Pro Senectute Arc Jurassien, il est toujours à la recherche d’activités qui favorisent la rencontre et l’échange et fera partie de l’équipe d’animation du Rendez-vous au Lac de Bienne, une rencontre proposée aux seniors pour faire de nouvelles connaissances au-delà des frontières linguistiques.

Les cafés-récits («Erzählcafé») sont déjà bien développés en Suisse alémanique. Il est donc temps maintenant de regarder au-delà des barrières linguistiques et d’explorer les projets qui sont en cours en Suisse romande. Une première réunion à Lausanne a permis de se faire une idée des diverses formes de cafés-récits. Comment pouvons-nous réaliser ensemble notre objectif de soutenir des cafés-récits animés avec attention?

 

Quelles ont été vos premières impressions de la réunion?
La réunion a clairement montré que de nombreuses rencontres autour des récits de vie existent déjà et se déroulent sous différentes formes. La coopération avec les structures et groupes existants, comme l’Association de recueilleuses et recueilleurs de récits de vie et le Collectif D.I.R.E, que j’ai été ravie de découvrir, sera très importante.

Qu’avez-vous retenu des participant·e·s de la première réunion?
J’ai été frappée par le nombre d’indépendant·e·s présente·s lors de la première réunion. La question du financement et de l’approche des institutions est donc très importante. Il est aussi évident que nous devons mieux faire connaître la version française de notre site web.

Des représentants d’une organisation étaient-ils présents?
Bien sûr! Des représentants de Pro Senectute Fribourg et de Pro Senectute Arc Jurassien étaient présents et nous avons pu tenir la réunion dans les locaux de Pro Senectute Vaud. Fait particulièrement encourageant: François Dubois de Pro Senectute Arc Jurassien commencera en septembre avec un clycle de dix café-récits qui auront lieu à Neuchâtel! Une représentante de l’Université de Fribourg était également présente, ce qui a été très utile pour les considérations relatives à la formation continue des animatrices et animateurs.

Quelles sont les prochaines étapes prévues?
D’après les échos de la première réunion, nous avons quelques idées. Une intervision francophone est prévue pour le printemps 2020. Les réunions de travail, qui se sont tenues jusqu’à présent en allemand, se dérouleront dans les deux langues. Bien sûr, nous voulons aussi traduire le logo en français dès que possible.

Rhea Braunwalder
Rhea Braunwalder fait partie de l’équipe de projet du Réseau Café-récits depuis 2017 et anime des cafés-récits à Saint-Gall. Elle a fait la connaissance de la méthode à Göttingen pendant ses études d’ethnologie.

Cette année, l’atelier-débat a été consacré à un thème particulier: «Raconter – écouter – entrer en résonance». L’article ci-dessous vous donnera un aperçu de ce qu’est la résonance selon Hartmut Rosa et quel est son rapport avec nos activités au sein des cafés récits.

Que signifie «entrer en résonance»? 

Dans sa sociologie du rapport au monde, qui se penche sur la qualité de la relation que nous entretenons avec ce dernier, le sociologue Hartmut Rosa constate que notre société est de plus en plus concentrée sur l’accumulation de biens et de ressources. Notre quête d’amélioration et d’augmentation des ressources, considérée comme étant la condition à une «bonne vie», a pourtant l’effet inverse: l’aliénation. Hartmut Rosa y oppose le concept de résonance comme mode de relation avec les autres, les animaux, notre environnement matériel et de façon plus générale, avec la vie et la nature.

La résonance dans un café récits: le terme de résonance est-il synonyme d’harmonie? Et le silence peut-il constituer une forme de résonance?

Un café récits regroupe plusieurs expériences de vie. La façon dont une expérience est racontée, son contenu et d’autres facteurs influencent la réaction que nous réservons à un récit. Dans le cadre d’un café récits, la résonance ne signifie pas qu’il faut ressentir de la sympathie pour chaque personne présente. La résonance se réfère davantage à une attitude fondamentale, qui ne s’intéresse pas à ce qui est vrai ou faux et qui ne juge pas. L’opposition peut, elle aussi, être une forme de résonance.
La résonance signifie faire entendre sa voix, s’exposer au regard des autres et se rendre vulnérable dans le cadre d’un processus dont on ignore l’issue. Si l’on se sent forcé à s’exprimer, il est fort probable que l’on ne ressente pas la résonance. Des moments de silence, durant lesquels on se concentre sur sa propre biographie ou sur l’écho provoqué par un récit correspondant à des mises en résonance avec soi-même, ne doivent pas être considérés comme une distance. Hartmut Rosa considère les espaces sociaux et institutionnels qui offrent un cadre à des relations de résonance comme essentiels. Or la méthode des cafés récits propose un tel espace par le biais de la modératrice ou du modérateur.

En guise de conclusion

L’équipe du Réseau café récits, dont je fais partie, n’a pas voulu clore cette journée riche en impressions et en impulsions par un simple résumé. J’aimerais en revanche rapporter ci-après un déclic personnel: en tant que modératrice, j’ai soudain compris qu’il ne s’agissait pas tant d’entrer en résonance pendant la modération de la rencontre, ce qui m’est difficile, car je tisse en même temps la trame de la discussion, observe la dynamique du groupe et garde un œil sur la montre… Il s’agit bien plus de créer les conditions favorables pour permettre l’expérimentation de la résonance.
Les modérateurs et organisateurs de cafés récits créent des conditions propices à l’expérience de la résonance à travers un climat de confiance et l’absence de jugement, mais ils ne peuvent pas la forcer. Nous créons un espace permettant et facilitant la résonance. Finalement, nous devons veiller à ne pas considérer la résonance comme un critère de réussite du café récits et à accepter, voire à apprécier, le fait que la résonance puisse ne pas être au rendez-vous.

Auteure: Rhea Braunwalder

Bibliographie:
Hartmut Rosa: Rendre le monde indisponible (Unverfügbarkeit, 2018). Éditions: La Découverte.
Hartmut Rosa: Résonance. Une sociologie de la relation au monde (Resonanz – Eine Soziologie der Weltbeziehung, 2016). Éditions: La Découverte.