Du 17 au 19 novembre 2023, toute la Suisse se réunira pour raconter des histoires! Des personnes de tous âges se racontent mutuellement leurs vécus et leurs expériences. Vous avez envie de découvrir de nouvelles histoires de vie? Trouvez un café-récits dans votre région et participez-y.

Le week-end du 17 au 19 novembre 2023, une cinquantaine de cafés-récits sur le thème de l’écoute auront lieu dans toute la Suisse. Les animateurs et animatrices se réjouissent d’accueillir de nombreuses personnes intéressées, toutes générations confondues, pour vivre une expérience particulière. Ceux qui souhaitent encore proposer un café-récit à court terme trouveront des informations ici et peuvent volontiers s’annoncer auprès de Anne-Marie Nicole.

L’école de Poschiavo a activement participé à la Journée internationale de la démocratie le 15 septembre 2023 en organisant un café-récits inspirant. Les neuf classes de notre établissement, qui compte environ 130 élèves, se sont réunies avec leurs enseignants et quelques membres du Parlement des jeunes pour discuter des divers aspects de la démocratie. Catia Curti, responsable du secondaire I des écoles de Poschiavo, partage avec enthousiasme les détails de cette journée particulière.

«Puissante, intense et libératrice.» C’est en ces termes que les élèves de la GSI de Poschiavo ont décrit l’expérience vécue lors de ce café-récits consacré à la démocratie. Pendant une heure et demie, les conversations ont été animées et les débats soutenus, des voix passionnées se sont parfois élevées et quelques larmes ont coulé, aussi. Les membres du Parlement des jeunes, constitué d’élèves de troisième année qui défendent les besoins des jeunes de la vallée depuis l’année dernière, ont choisi un thème très varié en lien avec la démocratie et l’ont présenté à l’ensemble des classes.

Au cours des discussions, des questions telles que la liberté d’expression ont été abordées. Celles et ceux qui ne se sentent pas toujours libres de s’exprimer et de faire part de leur opinion, que ce soit au sein de leur famille, à l’école ou avec leurs amis, ont partagé leurs expériences. Les conflits, tant à l’échelle mondiale qu’au niveau personnel, ont été évoqués. Des réflexions approfondies ont été menées sur la véritable signification de l’égalité et sur les progrès qui restent à réaliser, que ce soit dans le contexte multiculturel mondial ou dans notre réalité locale. Les discussions ont également porté sur le processus électoral, que ce soit en élisant des représentant-es ou en votant pour les membres du Parlement des jeunes au sein de l’école. Des idées ont même été proposées pour soutenir des initiatives culturelles dans le cadre de nos programmes éducatifs. La notion de bien public a été explorée, ainsi que les devoirs individuels visant à préserver et à respecter le bien commun.

Chacune des classes, chaque groupe et chaque élève a eu l’opportunité, au cours de ces près de deux heures de discussion, d’exprimer ses réflexions et ses émotions. Cela a été l’occasion de parler de sujets auxquels les jeunes accordent souvent peu d’attention, mais qui demeurent extrêmement pertinents et importants. Tous ont participé avec une grande maturité et une conviction profonde, maintenant un niveau de discussion des plus élevés. Le café-récits a remporté un franc succès, suscitant de nombreuses demandes pour la prochaine édition.

Il arrive souvent que nous considérons la simple discussion comme une perte de temps dans le tourbillon de la vie quotidienne. Pourtant, il s’agit d’une pratique saine et utile. Le partage d’idées, l’échange d’opinions et le dialogue sont inhérents à la nature humaine. Et quoi de mieux qu’un café-récits pour parler de ce qui rend les individus heureux et libres: la démocratie!

Catia Curti, responsable du secondaire I des écoles de Poschiavo

Natalie Freitag a animé l’intervision #8 du 24 août 2023, à Bâle. À cette occasion, les animatrices et animateurs ont notamment échangé sur la taille idéale des groupes pour les cafés-récits. Elle nous rend compte des réflexions qui en ont découlé.

Douze animatrices et animateurs du Réseau Café-récits ont participé à l’intervision 2023 à Bâle. Ils se sont rencontrés pour échanger sur le thème «Les cafés-récits en grands groupes». Les discussions étaient déjà bien animées avant le début de l’événement, autour d’un café-croissants. Les participant-es ont commencé par un café-récits sur le thème de l’été. Marcher pieds nus pour bien illustrer l’été, les cris des enfants à la piscine, la liberté de vivre un autre rythme au quotidien, mais aussi les grandes vacances scolaires: les souvenirs d’enfance se ressemblent. Inévitablement, la conversation a aussi dévié sur les nombreux parfums de glaces proposés dans les piscines publiques. Étonnamment, tous les membres du groupe avaient une glace préférée différente!

Expériences avec des groupes plus importants

Johanna Kohn et Claudia Sollberger ont ensuite parlé de leurs expériences avec de grands groupes et ont posé quelques questions aux personnes présentes:

  • Quelle est la taille idéale d’un groupe pour un café-récits?
  • Combien de personnes au minimum doivent être présentes pour qu’un dialogue s’engage?
  • Et à partir de combien de personnes devient-il difficile d’animer seul-e un café-récits?

De par leurs expériences, la professeure et l’animatrice expérimentée connaissent bien l’animation de groupes de 50 ou 100 personnes. De nombreuses idées ont émergé sur la manière dont l’animatrice ou l’animateur peut réagir lorsqu’un café-récits rassemble plus de monde que prévu:

  • Pour que ce format soit applicable lors de manifestations plus importantes, il est possible de lancer une petite session de café-récits sur la scène. Le public peut alors suivre passivement le café-récits. Le cercle de discussion peut ensuite être ouvert à tout le monde.
  • Une animatrice ou un animateur peut répartir le grand groupe en plusieurs tables. L’idéal est alors de disposer d’une personne par table pour animer la discussion. Les questions posées aux nombreux petits groupes autour des tables sont ensuite reprises en plénière.
  • L’animatrice ou l’animateur conserve le grand groupe, mais avec l’aide de personnes qui peuvent par exemple apporter le micro aux personnes qui souhaitent s’exprimer.

Bien informer le mandant

La discussion a entraîné d’autres retours d’expériences des personnes présentes, avec différentes tailles de groupes et a donné lieu, au cours de l’après-midi, à des échanges très intéressants sur le paiement, l’inscription et l’annulation de l’inscription. Une idée importante qui a surgi est que les mandants doivent être bien informés et briefés pour ne pas susciter de fausses attentes. Souvent, ils ne connaissent pas très bien l’offre et peuvent avoir une autre représentation de ce qu’un café-récits peut apporter.

Les participant-es ont conclu des discussions que les cafés-récits sont également possibles en grands groupes. Le Réseau Café-récits encourage toutes les animatrices et animateurs à se lancer dans l’aventure et à acquérir de l’expérience.

A l’issue de la rencontre, les participant-es ont dégusté un délicieux repas préparé par le Restaurant du cœur, en profitant de la fraîcheur du jardin de la maison Zwingli. Tout le monde était d’accord pour dire que la journée avait été profitable: les échanges, la cohésion du groupe et les nombreuses idées pour le travail de chacune et chacun. Merci à toutes celles et ceux qui ont participé et apporté leur contribution!

D’ailleurs, nos «Stammtisch» en ligne sont aussi de formidables occasions d’échanger brièvement sans avoir à se déplacer! À retrouver sur l’Agenda.

 

À propos de l’auteure:

Natalie Freitag est coordinatrice régionale du réseau en Suisse alémanique. La native de Suisse orientale a animé la rencontre et la résume ainsi: «Je vous encourage à préparer soigneusement les cafés-récits pour lesquels un seul cercle de chaises ne suffit plus.»

Le Pour-cent culturel Migros propose de nouvelles offres de soutien pour les personnes engagées:

Trouvez maintenant l’offre qui vous convient!

Cette offre est également intéressante pour les animatrices et animateurs qui ont un projet de café-récits prévu ou déjà lancé.

La Coordination Pedibus Vaud a choisi le format des cafés-récits pour promouvoir ses activités intergénérationnelles auprès de la population âgée et renforcer les liens entre les seniors et les enfants des écoles et des structures d’accueil parascolaire. Ensemble, ces deux publics ont partagé leurs récits et leurs expériences «sur le chemin de l’école».

Propos recueillis par Anne-Marie Nicole

Vanessa Merminod, qu’est-ce que le Pedibus?

Le Pedibus est une campagne de l’ATE, Association transports et environnement. C’est un système d’accompagnement des enfants entre 4 et 8 ans qui vont à l’école à pied, sous la conduite d’une personne adulte. Généralement, ce sont les parents qui accompagnent les enfants sur les lignes Pedibus, à tour de rôle. Dans le cadre du Pedibus intergénérationnel, nous voulons sensibiliser les seniors à la mobilité douce, à l’activité physique et à la cohésion sociale en leur proposant de se joindre à une ligne Pedibus.

Pourquoi avoir choisi le format des cafés-récits?

Notre objectif était de renforcer les liens intergénérationnels entre des publics qui ne se connaissent pas forcément, mais qui se côtoient dans le même quartier. Le café-récit est une bonne façon de faire se rencontrer les seniors et les enfants, et de les inviter à échanger et partager leurs expériences et leurs histoires sur un thème que tout le monde connaît ou a connu: le chemin de l’école.

Comment se sont déroulés ces café-récits?

Deux cafés-récits se sont déroulés début février de cette année, au Centre du Panorama, un lieu d’accueil et de rencontre pour seniors, à Vevey. Les seniors ont ainsi invité les enfants et leurs éducatrices et éducateurs «chez eux», dans un lieu qui leur est familier. Comme il y avait beaucoup de monde, nous avons dû organiser deux cafés-récits en parallèle, de vingt personnes chacun, animés par Daniela Hersch et Evelyne Mertens. Un troisième café-récits a eu lieu à Morges, dans le cadre de l’activité parascolaire. Là, ce sont les enfants qui ont reçu les seniors sur «leur terrain». Pour faciliter la parole, les animatrices avaient apporté des images suggestives en lien avec le chemin de l’école. À la fin, nous avons offert à chacune et chacun une boîte à goûter – un objet souvenir qui convient bien à toutes les générations !

Comment ces cafés-récits ont-ils été accueillis par les participant·es?

Les échos que nous avons reçus étaient très positifs et enthousiastes. Les seniors étaient contents de participer à une activité intergénérationnelle et les enfants de faire quelque chose de différent, hors du contexte habituel. Toutes et tous ont raconté avec plaisir leurs récits en lien avec le chemin de l’école. C’est un thème qui était particulièrement bien adapté à toutes les générations ! Les règles énoncées au début du café-récits ont été très appréciées, surtout celle qui dit qu’on est obligé d’écouter, mais pas de parler ! À force d’écouter les récits des autres, même les personnes réticentes ont pris confiance et se sont exprimées. Même les enfants les plus jeunes ont maintenu leur attention dans l’échange durant 45 minutes !

Y a-t-il un moment qui vous a particulièrement marquée?

Certainement: quelle que soit l’époque, le chemin de l’école semble avoir toujours été un moment d’amitié privilégié. Le récit d’une travailleuse sociale d’une vingtaine d’années qui accompagnait les enfants a fait écho à celui d’une senior qui a raconté avoir fait le chemin de l’école avec sa meilleure amie et qui l’est restée toute sa vie. Moi aussi, je me souviens de ce moment où on se racontait tout. A contrario, un enfant a raconté que son copain avait déménagé et qu’il était triste de ne plus pouvoir faire le chemin avec lui ni lui raconter ses histoires.

Quels sont les défis particuliers des cafés-récits intergénérationnels?

Nous sommes encore dans une période post-covid où il faut relancer certaines activités. À Vevey comme à Morges, nous avons pris conscience de l’importance du lieu choisi, d’autant plus qu’il s’agissait d’une activité nouvelle: le cadre familier a permis de mettre en confiance, tant les seniors que les enfants… même si les enfants sont parfois plus timides pour prendre la parole ! La question de la parité des participant·es s’est aussi posée. Dans la logique des lieux où se sont déroulés les cafés-récits, il y a eu davantage de seniors à Vevey, et davantage d’enfants à Morges. Enfin, nous sommes parfois tenus par des questions d’organisation des structures. Par exemple, à Morges, nous avons dû prévoir le goûter avant l’échange. Mais cela a permis de créer des liens déjà à ce moment-là et de faciliter ensuite la prise de parole.

Quelle suite envisagez-vous?

C’est certainement une formule que nous allons poursuivre, parallèlement à d’autres activités artistiques et balades dans la nature, qui toutes se réfèrent aux valeurs du Pedibus: la cohésion sociale, le sentiment de communauté, la sécurité et les liens intergénérationnels.

 

Vanessa Merminod

Vanessa Merminod est la coordinatrice de Pedibus Vaud de l’Association transports et environnement. À ce titre, elle conduit des actions de promotion pour faire connaître le dispositif Pedibus sur le territoire cantonal et collabore avec les communes, les écoles, la police de la prévention routière, etc. Elle sensibilise et accompagne les parents dans la création de lignes Pedibus.

 

Depuis que je travaille au Réseau Café-récits, j’ai constaté à plusieurs reprises que l’on confond la méthode des cafés-récits avec d’autres formats similaires. La différence avec d’autres méthodes de récits n’est pas claire pour de nombreuses personnes. J’aimerais donc montrer ici ce qu’est un café-récits et ce qu’il n’est pas. Je commence par ce qu’il n’est PAS.

Texte: Valentina Palluca

Un café-récits n’est pas la méthode adéquate lorsque:

  • Vous souhaitez disposer d’assez de temps pour raconter et écouter des récits fictifs.

Un café littéraire est alors ce qu’il vous faut. Dans un café-récits, on raconte des histoires autobiographiques.

  • Vous avez un problème et aimeriez trouver une solution.

Le café-récits n’a pas d’objectifs ou d’attentes. Le seul but est de donner à d’autres personnes un aperçu de sa propre histoire. Écouter ce que d’autres personnes racontent de leurs expériences permet souvent de trouver des outils pour gérer nos situations personnelles. Si votre objectif est de résoudre un problème, un groupe d’auto-entraide serait plus approprié.

  • Vous avez besoin d’une thérapie.

Cela peut sembler banal, mais ça ne l’est pas. Il ne faut pas confondre café-récits et thérapie. Les personnes qui animent un café-récits suivent un cours d’introduction à l’animation offert par le Réseau Café-récits. Elles ont de l’expérience dans l’animation de groupes d’adultes, mais elles ne sont pas des thérapeutes.

  • Vous souhaitez discuter et débattre avec d’autres personnes.

Pendant un café-récits, vous ne jugez pas ce qui est raconté, vous n’émettez aucun avis ni ne donnez aucun conseil. On n’aborde aucun sujet politique ou philosophique. L’objectif est d’échanger avec des personnes partageant la même envie d’écouter et de valoriser les petites histoires personnelles.

En résumé:

Un café-récits n’est PAS tout ce dont j’ai parlé ci-dessus. Il est bien plus: une méthode simple, rapide et à bas seuil pour réunir des personnes et leur offrir un beau moment de partage. En écoutant et en racontant nos expériences de vie, nous nous trouvons au même niveau, nos histoires sont valorisées et nous sentons que nous faisons partie d’une communauté.

Le café-récits nous donne la possibilité d’entrer en contact avec des personnes que nous n’aurions jamais croisées dans la vie quotidienne. Des personnes d’origine, de culture, de religion et d’âge différents des nôtres, mais que nous ressentons peut-être comme très semblables.

À la fin d’un café-récits, nous nous sentons plus riches et plus en accord avec les autres personnes.

Si je ne vous ai pas convaincu-es, je vous invite à vivre un café-récits de l’intérieur!

Dans l’agenda sur le site Internet, vous trouverez des cafés-récits dans votre région.

Oriana Togni est assistante sociale chez ProSenectute. Outre son activité au sein de «Cine…ma» à Gordola, elle organise et anime également des cafés-récits en essayant de répondre aux intérêts et aux souhaits des participant-es.

Texte: Valentina Palluca

Pourquoi avez-vous décidé de proposer des cafés-récits à vos hôtes?

Oriana Togni: L’idée nous est venue après avoir entendu parler du Réseau Cafés-récits (Pour-cent culturel Migros). Nous avons pensé que ce type de projet pouvait être proposé dans le cadre du point de rencontre social du quartier. Nous disposons ici d’un lieu où nous nous efforçons de créer des contacts, des rencontres et de la cohésion sociale.

Qui participe à vos cafés-récits?

Ils sont ouverts à tou-tes! La plupart des participant-es sont des retraité-es, car les cafés-récits ont généralement lieu l’après-midi. Pour les seniors, il est très enrichissant de participer à un tel moment d’échange et de dialogue, car il leur donne la possibilité de rencontrer des gens, de nouer des contacts et de rompre l’isolement social. Il leur permet d’aborder différents thèmes en même temps et de se tenir au courant.

Quels sont les thèmes les plus populaires?

En 2022, nous avons organisé sept cafés-récits dans la maison de quartier Cine…ma à Gordola. Les thèmes abordés allaient de sujets sociétaux, économiques, culturels et environnementaux à des moments informels liés à des histoires du passé.

Le café-récits sur le thème du «chemin de l’école» organisé en collaboration avec l’association Pedibus a rencontré un grand succès. À cette occasion, les participant-es se sont remémoré leurs souvenirs et ont raconté des expériences de leur enfance. Les gens apprécient tout ce qui a trait au passé. C’est agréable de faire revivre des souvenirs, des émotions et des évènements!

Y a-t-il un moment qui vous a particulièrement marquée?

J’ai été particulièrement frappée par un café-récits sur le thème de la migration. J’ai été agréablement surprise de voir à quel point les participant-es étaient sensibles à ce sujet. Tous les membres du groupe ont été capables de faire preuve de sensibilité, d’empathie et d’ouverture envers les autres, indépendamment de leur origine culturelle, de leur classe sociale, de leur sexe ou de leur appartenance ethnique. On constate vraiment que l’on ne cesse jamais d’apprendre des autres dans ces moments-là.

Que conseilleriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait s’essayer à l’animation de cafés-récits?

Je lui recommanderais vivement de se lancer. C’est une belle surprise de voir les différents points de vue qui émergent au fil des récits et qui mettent parfois en lumière des perspectives auxquelles on n’avait jamais songé auparavant. En plus, la discussion implique les gens et les relie indirectement, ce qui crée une sorte de cohésion sociale. C’est un aspect que nous essayons de renforcer chaque jour dans le cadre de notre travail.

CINE…ma à Gordola

La maison de quartier CINE…ma di Gordola est un projet de ProSenectute. Il s’agit d’un lieu ouvert, à la disposition des personnes des alentours. Elle propose non seulement les services habituels d’une maison de quartier, mais elle se veut également un lieu d’écoute, de rencontre et d’échange. Ce projet permet de promouvoir l’intergénérationnalité et l’intégration sociale.

L’atelier-débat annuel a eu lieu à Olten le 20 mars 2023. Après la réunion, nous avons fêté ensemble la sortie du livre Cafés-récits: un aperçu pratique et théorique.  L’équipe café-récits est venue de toutes les régions du pays pour discuter avec les participant-es du thème suivant: le récit biographique peut-il contribuer à la construction de la paix?

Les intervenantes principales de cette journée étaient l’activiste pour la paix Lea Suter et la sociologue Kristin Thorshaug.

Photo: zVg

Lea Suter a ouvert des pistes de réflexion sur le dialogue autour de la guerre et de la paix, mais aussi sur l’impact des mots sur notre façon de voir le monde. Elle travaille depuis 2011 dans le domaine des relations internationales, d’abord pour les Nations Unies à Genève, puis pour le think tank de politique étrangère foraus et l’association Suisse-ONU. En 2017, elle a lancé le blog PeacePrints, sur lequel elle publie des reportages sur la paix réalisés dans des zones de guerre. Lea Suter est médiatrice de la paix et travaille depuis 2023 en tant que responsable de programmes dans le domaine du pluralisme au sein du jeune Think+Do Tank Pro Futuris, pour lequel elle développe des formats de dialogue pour freiner la polarisation de la société suisse.

 

Photo: Interface

Kristin Thorshaug a évalué le format et le Réseau café-récits sur mandat de Promotion Santé Suisse. Elle est arrivée à la conclusion que la participation aux cafés-récits renforce la participation sociale ainsi que certaines compétences de vie importantes lorsque l’on vieillit. Elle a étudié la sociologie en Norvège et possède un CAS en compétences dans les domaines de la diversité et de l’égalité. Chez Interface centre de recherche et de conseil en sciences politiques, elle réalise des évaluations et des analyses sur des mesures visant à promouvoir l’égalité des chances, l’intégration et la participation sociale.

 

Ensuite, les participant-es ont pu participer à des cafés-récits découverte en trois langues et à des travaux de groupe interactifs.

Un livre à succès

Après la conférence, nous avons trinqué ensemble à la parution du recueil Cafés-récits: un aperçu pratique et théorique. Les trois éditrices, Gert Dressel, Johanna Kohn et Jessica Schnelle, se sont réjouies de pouvoir clore ce projet qui s’est étalé sur deux ans et a inclus de nombreuses et nombreux participant-es d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse avec ce beau résultat. Le livre peut être acheté à un prix exceptionnel de 25 CHF auprès de Johanna Kohn.

Quelques échos

Rhea Braunwalder, Projektgestalterin

«Cela m’a fait plaisir de revoir des visages connus et aussi d’en découvrir de nouveaux. Le réseau réunit des personnes d’horizons très divers qui se lancent ensemble dans l’organisation minutieuse et passionnée de cafés-récits. Lorsque tant de personnes motivées sont réunies à l’occasion de cet atelier, toutes repartent inspirées et prêtes à se lancer dans la création de cafés-récits dans leurs régions respectives. »
Rhea Braunwalder, co-directrice de l’association Réseau café-récits

 

Photo: GiM

«D’un côté, on écoute et de l’autre, on est écouté, pris en compte. Cela suscite la confiance et l’intérêt pour l’autre.»
Ursula Gull, participante venue de Trüllikon 

 

 

«Si l’on veut écouter, dans une optique de compréhension de l’autre ou de dialogue, il faut aussi des personnes qui racontent. C’est dans l’écoute que réside le pouvoir de reconnaître les besoins des gens. Être vu est le premier pas vers une cohabitation pacifique, ce que je considère comme un processus.»
Jessica Schnelle, participante venue de Constance

 

Présentations et documentation

Nino Züllig a émigré très jeune de la Géorgie vers l’Allemagne. Depuis 2014, elle vit à Bâle et y travaille en tant qu’interprète. L’animatrice a organisé des cafés-récits interculturels avec l’EPER deux Bâle. Des personnes originaires d’Ukraine et de Géorgie y ont parlé de leur pays et de leur vie en Suisse.

 

Te souviens-tu de ton premier café-récits?

Nino Züllig: Oui, bien sûr! Dans le cadre du projet «Âge et migration», l’EPER deux Bâle souhaitait proposer des cafés-récits à des personnes âgées immigrées. Cela faisait longtemps que j’interprétais pour l’EPER et ils savaient donc que je parlais russe. C’est au printemps 2022 que j’ai animé mon premier café-récits. Des réfugiées ukrainiennes et un couple de Géorgiens de ma connaissance sont venus.

Pourquoi avez-vous choisi la langue russe pour ce café-récits?

De nombreux Ukrainien-nes sont bilingues et parlent le russe en plus de l’Ukrainien, leur langue maternelle. En Géorgie, ce sont généralement les personnes âgées qui peuvent encore s’exprimer en russe. Le russe s’est donc imposé comme notre langue commune.

Comment une Ukrainienne ressent-elle un café-récits en russe?

J’étais consciente que je devais être très prudente en proposant un café-récits interculturel en russe. On ne peut pas ignorer la politique. Normalement, un café-récits est un moment détendu et agréable. Dans mes cafés-récits, la guerre est toujours présente. En tant qu’animatrice, je dois faire preuve de beaucoup de tact pour que la discussion reste calme et paisible et que les gens se sentent à l’aise, ceux qui aiment parler russe, tout autant que ceux qui n’aiment pas cette langue. Je pense qu’on m’accepte mieux parce que je suis originaire de Géorgie et que je comprends les deux parties.

Quel conseil donnerais-tu?

Il arrive souvent qu’une Ukrainienne reçoive un message de son mari à la guerre pendant le café-récits et soit donc distraite. Je comprends qu’elle ait alors l’envie d’en parler. En tant qu’animatrice, je dois y répondre et l’accepter, tout en revenant ensuite au sujet principal. Le café-récits doit être un lieu de détente où l’on peut parler d’autre chose. Mon conseil aux animatrices et animateurs: changer de sujet lentement et prudemment.

Quels sont tes thèmes favoris?

Le premier thème que j’ai choisi était «Moi, en Suisse». Les membres du groupe ont réfléchi à leur ressenti, à leur passé et aux difficultés auxquelles ils devaient faire face. J’ai ensuite mis le doigt sur un autre sujet: «Vivre bien et à moindre coût en Suisse». Cela a donné lieu à un échange d’expériences rempli d’idées. Ensuite, lorsque j’ai pris un rythme normal, j’ai aussi choisi des thèmes plus joyeux comme «Beau et à la mode».

Ce sont surtout les personnes de 55 ans et plus qui participent à ton café-récits, qu’est-ce qui leur pose le plus de problèmes?

La langue allemande est la problématique principale. Les personnes âgées n’apprennent plus aussi facilement. Plus on vieillit, plus la migration est difficile. On arrive dans un endroit où l’on ne parle pas la langue, où l’on ne connaît pas la culture: on va au-devant de l’inconnu. J’organise ces cafés-récits avec mon cœur, parce que je comprends bien les préoccupations des gens.

Qu’est-ce qui t’a le plus surpris?

À chaque fois, il y a des moments révélateurs. Quel que soit l’endroit où les gens ont grandi, certaines choses sont identiques partout. Une fois, nous avons organisé un café-récits avec des personnes originaires de Suisse, d’Ukraine et de Géorgie. Nous avons alors réalisé que lorsqu’ils étaient enfants, ils jouaient aux mêmes jeux et aimaient manger les mêmes choses. En résumé: le monde est petit et nous ne sommes pas si différents les uns des autres.

 

Interview: Anina Torrado Lara

Légende de la photo: Nino Züllig a choisi le thème de la confection de biscuits pour son café-récits.

Personnel

Nino Züllig a étudié l’allemand en Géorgie et s’est installée très jeune en Allemagne. En 2014, elle a suivi son mari à Bâle. Elle travaille comme interprète interculturelle et organise régulièrement des cafés-récits. Pendant son temps libre, elle aime se promener dans la nature sauvage avec sa famille.

Cafés-récits interculturels

Depuis 2022, le bureau de l’EPER deux Bâle propose des cafés-récits dans le cadre du projet «Âge et migration». Six médiatrices et médiateurs interculturels se sont formés auprès de Johanna Kohn et proposent depuis lors des cafés-récits dans différentes langues. Les cafés-récits vont se poursuivre cette année. Ils sont thématiquement liés à d’autres offres d’«Âge et migration deux Bâle».

Entre juin et décembre 2022, à la demande de la Ville de Genève, j’ai animé une dizaine de cafés-récits avec des résidentes et résidents vivant en établissement médico-social. Une expérience humaine riche, qui demande plus qu’ailleurs une capacité d’adaptation et de la créativité face à l’imprévu.

Anne-Marie Nicole

«Qu’allez-vous nous raconter aujourd’hui?» Cette question m’est immanquablement adressée lorsque je suis appelée à animer un café-récits avec des personnes âgées vivant en établissement médico-social (EMS), avant même que j’aie eu le temps de leur expliquer l’idée et le déroulement du café-récits auquel elles ont été conviées. Et immanquablement je leur réponds, avec un large sourire que j’espère avenant et rassurant: «Ce n’est pas moi, mais c’est vous qui allez raconter!», suscitant l’étonnement chez nombre d’entre elles. Cette entrée en matière me laisse penser que parler de soi et de son vécu, en EMS, est davantage réservé aux discussions en tête-à-tête ou à l’intimité de la chambre.

À la demande du Département de la culture et de la transition numérique (DCTN) de la Ville de Genève, des cafés-récits ont été proposés à des clubs de seniors et des établissements médico-sociaux (EMS), en marge de la promotion du site internet mirabilia.ch. L’objectif était de faire connaître cette nouvelle plateforme numérique à un public de seniors et de les sensibiliser à la richesse du patrimoine des musées et institutions culturelles de la Ville. Ainsi, entre juin et décembre 2022, quinze cafés-récits ont été organisés, la plupart en EMS, sur des sujets s’inspirant des thèmes de mirabilia.ch, en l’occurrence celui du voyage.

Mieux se connaître… même si on se connaît déjà

De façon générale, et même si leur plaisir de participer n’était pas toujours très manifeste de prime abord, les résidentes et résidents des EMS ont particulièrement apprécié ces moments de conversation respectueuse et d’écoute bienveillante. Si ces rendez-vous n’ont pas pleinement répondu à l’objectif de promotion du site mirabilia.ch, ils ont permis aux participant·es de s’exprimer, de se raconter, de se découvrir et de mieux se connaître, quand bien même ils se côtoient au quotidien.

Surtout, les cafés-récits ont (re)donné à chacune et chacun une place singulière et une identité individuelle dans le collectif, et valorisé leurs récits personnels avec d’autant plus de force que tout le monde écoutait attentivement, sans interrompre, sans commenter, sans juger. «Contrairement à d’habitude, ils se sont écoutés les uns les autres, sans se couper la parole ni se contredire», a remarqué une professionnelle d’un établissement. Les règles de discussion qui président aux cafés-récits, et qui peuvent paraître évidentes, prennent ici toute leur importance.

Adaptation et créativité

L’animation de cafés-récits avec des personnes âgées dont les capacités fonctionnelles, cognitives ou sociales déclinent pose aussi des défis particuliers. Il faut alors avoir la capacité de s’adapter aux imprévus et faire preuve de créativité «pour s’écarter du déroulement méthodologique prévu et y revenir lorsque cela représente un bénéfice pour les participant·es en termes de reconnaissance, d’expérience et d’interactions entre eux», comme le souligne Johanna Kohn, professeure à l’Institut d’intégration et de participation de la Haute école de travail social du nord-ouest de la Suisse et membre de l’équipe du Réseau Café-récits Suisse*.

Outre les va-et-vient de soignant·es dans l’espace réservé au café-récits, ici pour administrer un médicament à heure fixe, là pour accompagner une résidente à sa visite médicale, ailleurs encore pour intégrer dans le groupe un résident qui avait fait une sieste prolongée, des ajustements sont nécessaires en permanence. Les plus fréquents ont porté sur les quatre points suivants:

  • Le rythme: avec l’âge, le rythme ralentit. Il convient donc d’adapter la façon dont on s’adresse aux personnes, de leur laisser le temps d’intégrer la question, de chercher leurs mots pour s’exprimer, de reformuler si nécessaire, de simplifier aussi les questions.
  • Le fil rouge: le fil rouge du café-récits est parfois difficile à maintenir, tant du point de vue thématique, car les résident·es ont aussi besoin d’aborder des préoccupations de leur quotidien, que chronologiques, car il est plus difficile pour eux de se raconter au présent, voire de se projeter dans l’avenir.
  • La prise de parole: plus que d’autres publics, les personnes âgées qui ont participé aux cafés-récits en EMS ont eu, me semble-t-il, davantage de peine à prendre spontanément la parole. Dès lors, un tour de table en début de rencontre, afin que chacune et chacun puisse donner son prénom et faire entendre sa voix au moins une fois, a permis d’instaurer un climat de confiance et, ensuite, de solliciter par leur prénom les personnes qui semblaient vouloir s’exprimer mais qui n’osaient pas prendre la parole sans y avoir été invitées.
  • L’audition: de nombreuses personnes âgées rencontrent des problèmes d’audition. Il est donc important de parler fort et lentement. Malheureusement, cela ne suffit pas toujours, créant parfois des frustrations et de l’agacement dans le groupe. Dans un établissement, un résident atteint de troubles auditifs a été équipé d’un casque amplificateur de son, relié à un micro. De façon très naturelle, le micro est devenu un «bâton de parole», dont se sont emparés, chacune à son tour, les personnes qui souhaitaient raconter.

L’émotion a aussi eu toute sa place dans ces rencontres en EMS, que ce soit avec des rires ou des larmes. «De nouveaux liens se sont tissés entre des personnes qui avaient des points communs dans leurs histoires de vie mais qui l’ignoraient», a rapporté, quelques jours plus tard, une professionnelle présente au café-récits. «Une sorte de complicité s’est instaurée entre les personnes qui ont participé, avec le sentiment d’avoir vécu ensemble quelque chose de particulier.»

*Johanna Kohn, «EB Erwachsenenbildung. Vierteljahresschrift für Theorie und Praxis», Cahier 4, 66e année, 2020, édité par Katholischen Erwachsenenbildung Deutschland –Bundesarbeitsgemeinschaft e. V.

 

Autrice: Anne-Marie Nicole
Photo: image d’illustration